Le drive to store : outils, enjeux et limites.
Photo DR LSA
Depuis l’apparition du e-commerce et son développement exponentiel, le marketing digital a imaginé et développé un grand nombre d’outils pour créer du trafic digital vers les sites web (l’acquisition) et transformer celui-ci en chiffre d’affaires, en leads ou encore en optin (la conversion).
Les mêmes problématiques existent depuis toujours dans le commerce physique. Les points de vente et au premier chef la grande distribution mettent la création de trafic en tête de leurs préoccupations. Un trafic important, régulier et récurrent constitue le fondement de toute leur stratégie commerciale. Avec un trafic solide, on va là aussi pouvoir travailler la transformation en CA et la fidélisation de la clientèle pour augmenter la création de valeur.
Aujourd’hui, le consommateur est ubiquitaire et omnicanal. Il achète de plus en plus en ligne, surtout les produits qui ne nécessitent pas d’accompagnement de conseil ou à faible valeur émotionnelle. Il va donc par exemple privilégier le recours au drive pour ses achats alimentaires basiques, ce qui explique en partie la situation préoccupante des GSA et la remise en question actuelle du modèle de l’hypermarché à la Française, fondé sur le trafic lié aux achats alimentaires pour stimuler les ventes de produits non alimentaires et les achats d’impulsion.
Enjeu n°1 : Comment générer du trafic dans les points de vente physiques avec le digital ?
Pour un commerçant click and mortar, les outils ne manquent pas pour générer des venues en magasin.
- Le marketing local avec en premier lieu les outils Google My Business et le search local.
- En lien avec le site e-commerce : l’e-reservation, le click and collect, les produits en « exclu magasin ».
- En push marketing : Les bons de réduction, bons d’achat et autres offres promotionnelles diffusées par SMS ou e-mailing,
- Le géofencing qui permet de pousser des offres ciblées localement en temps réel soit via les applications propriétaires des distributeurs, soit par SMS ou encore via des applications tierces.
- La publicité en mobilité avec l’application Waze permet par exemple de toucher des cibles au moment propice et en fonction de leur localisation précise.
- De nouvelles applications viennent enrichir en permanence le panel des outils de création de trafic.
Enjeu n°2 : Comment analyser l’attribution marketing des différents leviers online et offline ?
Si l’attribution du trafic au levier SMS / Emailing est relativement simple (de nombreuses fonctionnalités permettent de tracker les opérations tels que le QrCode, Code Barre, Code promo dédié aux opérations, touche dédiée en caisse… ) il s’avère plus complexe de remonter le parcours d’achat d’un individu venu en magasin suite à une exposition publicitaire du type SEA ou Display.
Il existe cependant différents moyens de réconcilier les données client online et offline.
- Reconnaissance de l’individu :
Grâce à des outils d’identification client liés à un achat, via son compte fidélité (mais alors, quid du trafic non transformé ? et des clients non encartés ?) on peut retracer son parcours en ligne et de l’identifier lors de sa venue en magasin.
Les limites : La base de clients « identifiables » est la plupart du temps insuffisante pour avoir une bonne fiabilité. Selon LSA (« L’attribution marketing à la conquête du point de vente » – N°2542), le taux de matching même chez les bons élèves plafonne entre 30% et 50%.
Source LSA
- Mesure des visites en magasin :
Google et Facebook proposent chacun des outils dédiés à la mesure du drive to store : Store visits pour le premier et Visites en magasin pour le second (cf. ci-dessous)
Dans les deux cas, il s’agit de modélisations et d’extrapolations statistiques.
Source Facebook
- Modèles de mesure de l’uplift :
Cet indicateur cherche à évaluer le nombre de mobinautes ou internautes visiteurs du point de vente qui ne s’y seraient pas rendus s’ils n’avaient pas vu la publicité. Il s’agit là d’une analyse statistique qui identifie la part des consommateurs exposés à une campagne en ligne qui est venue en point de vente en excluant le trafic organique.
Or, sachant que 92% des achats opérés en France se font en points de vente physiques, et que 70% des français fréquentent un super/hypermarché chaque semaine, comment garantir que le trafic mesuré en magasin est dû à la campagne online et ne comptabilise pas des clients qui seraient dans tous les cas venus dans le magasin ?
D’autre part, sans remontée des données liées aux actes d’achat de cette cible, là encore l’attribution est incomplète.
En outre le calcul de l’uplift soulève de nombreux risques de biais statistiques, comme expliqué dans cet article de l’agence Retency.
Un domaine encore en devenir
Le drive to store est actuellement un enjeu majeur pour les retailers qui souffrent des bouleversements provoqués par l’essor du e-commerce, les nouveaux comportements du consommateur rendus possibles par le digital, et plus généralement de la remise en question du modèle consumériste du XX° siècle fondé sur le marketing de masse, les mass media et la distribution physique.
Nous sommes dans une phase de développement d’outils qui n’atteindront leur plein potentiel que lorsque la digitalisation de notre société sera complète; actuellement la fiabilité de ces outils reste insuffisante faute d’une population 100% connectée 100% du temps. En outre la mise en oeuvre de ces outils soulève des questions sérieuses en termes de respect de la vie privée, et ne fonctionnent que sous multiples conditions.
En témoigne cet article publié sur LSA le 20 mars dernier qui explique comment Fnac Darty mesure en partenariat avec Google le ROI de ses campagnes digitales en magasin : « Cela fonctionne pour les clients qui disposent d’un compte Google et qui ont un compte client chez le retailer ». Cela laisse donc une vaste marge de déperdition.
Ne doutons pas cependant que ces expérimentations multiples menées par les géants du digital tels que Google, Facebook, ou encore Waze, débouchent à plus ou moins court terme sur de nouveaux leviers pertinents susceptibles de sauver des retailers en plein désarroi.
Catherine Seth